«Formes imbriquées, décomposées et presque uniquement suggérées par endroits,
dans ce rapport toujours présent entre ombre et lumière, mat et brillant, couleur et couleur.
Jamais rapports de force mais plutôt rapports intimes engendrant comme une présence
cachée, nous amenant imperceptiblement à pressentir un monde diffus et lumineux, lointain
et proche à la fois, comme une incitation à franchir portes et fenêtres de notre esprit
pour accueillir et percevoir la transparence de la matière.» Dominique Davin.
MC Béguet : au commencement, était le point.
«Je commence là où commence, en fait, la forme picturale, c’est-à-dire un point qui se met en mouvement […]. Et dès lors commence une activité avec, par précaution, très peu de lignes d’abord. [...] Cette nouvelle ligne, par contre, a un délai à respecter, elle veut aller si possible rapidement. Les droites en sont la preuve. Considérée de façon élémentaire (comme action de la main) elle est certes une ligne, mais, une fois menée à son terme, la représentation linéaire est sur le champ relayée par l’image d’une surface. Du même coup disparait aussi son caractère mobile relayé par la notion de calme parfait.» Paul Klee
Point par point, lignes par lignes scrupuleusement rangées, parfois superposées, entremêlées. C’est du plus petit détail, le point, que le travail de Marie-Christine Béguet prend toute son essence : dans son sillage naissent les surfaces, de l’à-plat mat et profond à la transparente légèreté des parallélismes de lignes imparfaites, toutes en clairs-obscurs. Les couleurs sont très présentes dans ce travail ; atténuées, elles viennent perturber les contrastes des noir et blanc, tracées avec soin pour ne pas perdre la sensation des nuances de tonalités. L’évolution est aléatoire au gré des jours et des humeurs, le travail fin et sensible ; le résultat, onirique. Là, devant ces lignes menées avec grâce et force à main levée par MC Béguet qui en défend souvent l’abstraction, se lisent tableaux et paysages brumeux au fond desquels se promènent les ombres qu’habille l’imagination.
Initiée à la linogravure dès le plus jeune âge par sa mère, c’est en 2010 à la Maison de la Gravure Méditerranée, des abords de Montpellier, que l’artiste explore l’eau-forte, l’aquatinte ou encore la manière noire, avec Judith Rotschild, puis se perfectionne au burin auprès de Catherine Gillet. C’est lui qui s’impose comme l’outil le plus adapté, complété si besoin de manière noire et pointe sèche, pour retranscrire la finesse de ses recherches. Sur ses carnets, à l’encre sur la feuille humidifiée par endroits, les lignes tirées à la plume et au pinceau s’étalent au contact de l’eau provoquant des flous indéterminés, révélateurs de compositions à la légèreté japonaise. Une étape préalable mais complémentaire, inscrite dans une cohérence « tripartite » : les carnets inspirent la gravure, qui inspire elle-même de grands formats à l’encre sur papier de chine où se retrouvent les oppositions netteté-zones humides portées par des tonalités vives, témoins d’une maîtrise subtile et sans faille de la couleur.
Après des années de pratique du dessin noir et blanc, c’est à 20 ans, sous l’enseignement de Mr Bonneaud, aux Arts Appliqués (Paris), que l’évidence de la couleur se révèle : le monde est coloré, fait de nuances et contrastes que son œil perçoit tout d’un coup très naturellement. Sortie du design textile, son premier travail, c’est l’acrylique teinté de pigments naturels qui servira de matière aux premiers tableaux. Ici se lisent déjà les impressions, sensations colorées, souvenirs sensibles des contrastes des paysages tant urbains que naturels, haies de peupliers, bambous, ganivelles de bord de mer. C’est dans son atelier de Roquemaure, village du Gard, que s’étalent et s’étirent aujourd’hui les couleurs des encres épaisses et fluides sur matrices et papiers, pour des tirages destinés à différents projets. Des œuvres qu’on a vues exposées au Salon d’Automne à Paris, au salon Artpage d’Octon, à la Biennale de l’Estampe de Saint-Maur ou encore à la Triennale Internationale de l’Estampe d’Isle-sur-Tarn. Vice-présidente de la Biennale SUDestampe de Nîmes, dont elle réalise la communication graphique depuis 2017.
Alice B.